Carton plein pour l’IA

Focus

Près de 200 personnes ont participé à l’événement consacré à l’IA, organisé conjointement par l’Union Patronale du Canton de Fribourg (UPCF) et la Fédération Patronale et Économique (FPE), le 10 avril dernier, à Espace Gruyère. Quatre ateliers animés par des expert-e-s ont permis de couvrir plusieurs volets de l’IA. En clôture, la table ronde a offert un éclairage complémentaire, prolongeant les réflexions engagées durant les ateliers.

L’IA intéresse. Ou questionne, pour le moins. C’est le constat établi à l’issue de l’événement IA, coorganisé par l’UPCF et la FPE. Face à un parterre de près de 200 personnes, Christian Schafer, directeur adjoint de l’UPCF, a donné le coup d’envoi de la rencontre : « Cette participation représente la manifestation de la curiosité et de l’importance accordée à l’IA. » Grâce à quatre ateliers pratiques et une table ronde finale, les organisateurs ont su répondre à une attente claire : comprendre les impacts concrets de l’IA sur les entreprises fribourgeoises et en saisir les opportunités, sans occulter les enjeux juridiques, éthiques ou humains. Un rendez-vous qui confirme l’intérêt stratégique croissant pour cette technologie dans le tissu économique régional.

Atelier – Comment démarrer concrètement avec l’IA

Animé par Sébastien Rumley, Professeur HES associé et chef d’équipe chez iCoSys - HEIA-FR, Célien Donzé, Collaborateur scientifique chez iCoSys - HEIA-FR, et Damien Perritaz, CTO d’Asyril

Lors du 1er atelier consacré à l’intelligence artificielle, les intervenants ont mis en avant les atouts concrets pour les PME : marketing optimisé, processus plus efficaces, meilleure aide à la décision. L’IA permet aussi de détecter des anomalies et d’améliorer la performance globale. Mais son adoption suscite encore des freins ou des craintes : manque de connaissances, coûts d’intégration parfois élevés, préoccupations grandissantes sur la confidentialité des données.

Le Swiss AI Center, en partenariat avec la HES-SO et iCoSys, accompagne justement les PME dans cette nouvelle transition numérique : analyse des besoins, ateliers d’initiation, mise en lien avec plus de 150 ingénieurs et un solide réseau d’entreprises.

À la question centrale : Comment démarrer concrètement avec l’IA ?, les intervenants ont souligné l’importance de cerner ses besoins. “Il faut d’abord se demander ce que l’on veut résoudre comme problème et pourquoi on veut le faire avec l’IA”, a résumé Sébastien Rumley, Professeur HES associé et chef d’équipe chez iCoSys - HEIA-FR. Identifier des cas d’usage simples, tester à petite échelle, se former en équipe : autant d’étapes clés pour avancer, tout en prenant conscience des risques, biais ou coûts.

Célien Donzé, Collaborateur scientifique chez iCoSys - HEIA-FR a insisté : « L’IA est le reflet des données. Si elles sont biaisées, ses réponses le seront aussi ». Il a aussi pointé un enjeu important : « Les conditions générales d’utilisation, souvent vagues », soulignant la nécessité d’un usage réfléchi de ces technologies. Un conseil appliqué par l’entreprise Asyril. Damien Perritaz, son CTO, a expliqué que les collaborateurs-trices ont d’abord testé librement des outils d’IA. Puis, l’usage s’est structuré autour de cas concrets, avec des groupes de travail internes.

Les trois intervenants ont été unanimes. Avant d’utiliser l’IA, il est important de clarifier les besoins, de se former, puis d’évaluer l’aspect financier pour identifier la solution informatique adéquate. L’IA ne doit pas être vue comme un risque, mais comme une opportunité à explorer progressivement.

Atelier – Les cas d’utilisation de l’IA dans les RH et le droit du travail

Animé par Thérèse Anatrà-Luchinger, juriste à la FPE, et Patrick Zwahlen, head of Romandie HR Campus

« Le domaine RH sera rapidement bouleversé par l’IA », a souligné Patrick Zwahlen, citant une étude française mettant en avant le fait que de nombreuses tâches RH (les plus répétitives) seront très probablement remplacées par l’IA d’ici 2027. Rédaction d’offres d’emploi, de certificats de travail, ou gestion de la paie ont été énumérés dans les cas concrets d’utilisation dans le domaine RH. « Beaucoup d’outils numériques sont disponibles pour accompagner les entreprises dans leur digitalisation et depuis deux ans, ils intègrent massivement l’IA », a rappelé le Head of Romandie HR Campus.

Du côté du droit du travail, l’IA représente un accélérateur de connaissances. Thérèse Anatrà-Luchinger, juriste à la FPE, a énuméré les cas d’utilisation pour lesquels l’IA pourrait être utile, comme l’interprétation d’une CCT ou encore la vérification d’une clause spécifique d’un contrat de travail. Elle a mis en garde : « Il est nécessaire d’avoir des connaissances en droit du travail pour obtenir des réponses pertinentes et garder un œil critique. » Elle a rappelé l’existence de REF-lex.ch, l’IA juriste, développée par la Fédération des Entreprises Romandes (FER), dont l’avantage est de générer des informations conformes au droit suisse.

Les deux intervenants ont souligné les potentiels de l’IA dans leurs domaines spécifiques. Ils ont aussi mis en garde le public, sur les limites : la protection des données, les spécificités de l’entreprise, ses processus. Les deux experts ont invité le public à s’intéresser à l’IA et à l’utiliser dans des tâches quotidiennes.

©UPCF

Atelier – IA en entreprise : comment l’encadrer

Animé par Martina Guillod, juriste à l’UPCF, et Livio di Tria, associé chez YB Conseils & Solutions Sàrl

En Suisse, il n’existe pas de cadre juridique régissant l’IA. Il est donc important de l’encadrer par le biais de directives au sein de son entreprise. Mais avant de rédiger une directive, il faut établir pourquoi nous avons besoin de l’IA dans notre travail au quotidien, quels outils utiliser et savoir ce que l’IA peut faire ou ne pas faire.

L’IA, tout comme l’être humain qui l’a programmée, peut être sujette à des biais. Il faut donc contester son intelligence et challenger ses réponses. Garantir la confidentialité des données est essentiel tout comme être transparent envers les différentes parties prenantes quant à son utilisation. L’IA offre des possibilités incroyables mais elle doit être utilisée comme un outil. Les compétences acquises pour exercer un métier restent essentielles et tout ne peut pas être résolu grâce à l’IA.

Pour rédiger une directive, une entreprise peut s’inspirer de directives déjà existantes, comme celle de l’Administration fédérale. Livio di Tria, expert en droit des nouvelles technologies, et Martina Guillod, juriste à l’UPCF, conseillent d’y intégrer au minimum :

  • Des objectifs
  • Des définitions et explications
  • Des cas d’application et outils validés
  • Des mises en garde agrémentées d’exemples de risques
  • Quelques règles simples
  • Un contact interne

Dans ce processus, il est primordial d’impliquer les collaborateurs·trices en les informant et en les guidant. La rapidité d’évolution de l’IA nécessite de mettre à jour régulièrement la directive et de faire des rappels réguliers auprès du personnel. Il s’agit de vivre la directive au quotidien.

Atelier – ChatGPT : poser la bonne question pour obtenir la bonne réponse

Animé par Jehan Laliberté, cofondateur de Systemz Sàrl

« L’intelligence artificielle est un outil puissant, à condition de savoir bien s’en servir », a commencé Jehan Laliberté, cofondateur de Systemz Sàrl. Il a expliqué qu’avant de poser une bonne question à l’IA, il faut comprendre comment elle fonctionne. ChatGPT repose ainsi sur trois grandes étapes. La première est la tokenisation : chaque texte écrit est découpé en petits morceaux appelés tokens (en moyenne, 1 token équivaut à 4 caractères). Ensuite, vient le mécanisme de l’attention, qui permet au modèle de décider quelles parties du texte sont les plus importantes à prendre en compte pour formuler une réponse. D’où l’importance d’être clair et structuré dans sa demande. Enfin, il y a la modélisation du langage, qui consiste pour ChatGPT, à prédire le mot le plus probable à venir en fonction du contexte.

La méthode CRAFT pour un prompt bien construit

  • Contexte : précisez votre situation, vos contraintes, votre public
  • Rôle : donnez une posture à l’IA (ex. : "agis comme un spécialiste RH")
  • Action : utilisez des verbes d’action (expliquer, résumer, traduire…)
  • Format : liste, tableau, message WhatsApp, etc.
  • Tonalité : choisissez un ton (pro, humoristique, poétique, décalé…)

Le conseil pratique de Jehan Laliberté : ChatGPT ne comprend pas les mots-clés mais les intentions. Plus vous êtes précis, plus l’IA devient un vrai co-équipier créatif. Il est préférable d’utiliser l’IA non pas pour remplacer la réflexion mais pour stimuler la réflexion.

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Dense d’informations

Au terme de cette rencontre, dense et instructive, un consensus net s’est dégagé parmi les intervenant-e-s : les entreprises doivent entamer dès maintenant leur transition vers l’IA. Qu’il s’agisse de RH, d’ingénierie ou de stratégie juridique, l’IA s’impose comme un outil incontournable, à condition d’être encadrée, comprise et intégrée de manière réfléchie. Ce virage technologique n’est plus une option, il devient un passage obligé pour rester compétitif. Lors de la table ronde finale, un message fort a été rappelé: l’IA entre dans les entreprises au rythme de ces dernières, pas à celui des géants technologiques. Ce réalisme ouvre la voie à une appropriation progressive, cohérente avec les valeurs et les capacités du tissu économique fribourgeois. L’événement a ainsi pleinement rempli sa mission. Celle d’informer, de rassurer, et surtout de donner envie d’agir.

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